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égoïsme toujours entretenu. Chez l’un, c’est un voyage en mer ; chez un second, ce sont les difficultés qu’il a surmontées en allant au Collège ; chez un troisième, son excursion dans l’Ouest, ou son voyage à Canton ; chez un quatrième, sa séparation d’avec les Quakers ; chez un cinquième, sa nouvelle diète et son régime ; chez un sixième, sa sortie d’une Société pour l’abolition de l’esclavage ; et pour un septième son entrée dans ladite Société. C’est une vie de jouets et de babioles. Nous sommes trop aisément satisfaits.

Je trouve que ce résultat fâcheux se manifeste dans les manières. Les hommes que nous voyons en nous regardant les uns les autres ne nous donnent pas l’image et le type de l’homme. Les hommes que nous voyons sont fouettés à travers le monde ; ils sont harassés, ridés, anxieux ; tous semblent le cheval de louage de quelque cavalier invisible. Comme il est rare de contempler la tranquillité ! Nous n’avons pas encore vu un homme. Nous ne connaissons pas les manières majestueuses qui lui sont propres, manières qui apaisent et élèvent le spectateur. Il n’est pas d’êtres divins parmi nous, et la multitude ne s’empresse pas de devenir divine. Et cependant, durant toute notre existence, nous gardons fermement la foi en une vie meilleure, en des hommes meilleurs, en des relations pures et nobles, en dépit de notre inexpérience complète d’une humanité véritable. Certes, ce n’était pas l’intention de la Nature de produire, avec toute cette immense dépense de moyens et de forces, un résultat aussi humble et d’aussi peu de valeur. Les aspirations du cœur vers le bien et le vrai nous enseignent quelque chose de