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en n’importe quel village. Mais que, s’il le veut, dans vos regards, votre accent, votre attitude, cet étranger puisse lire votre cordialité et votre empressement, votre bonne pensée et votre bon vouloir, choses qu’on ne peut acheter à aucun prix dans n’importe quelle cité, et pour lesquelles on peut bien parcourir cinquante kilomètres, dîner pauvrement et coucher sur la dure. Sans doute, il faut que la table soit mise et le lit fait pour le voyageur ; mais il ne faut pas que l’importance de l’hospitalité réside en ces choses. Gloire à la maison où la simplicité va presque jusqu’à la privation, de sorte que l’intelligence reste éveillée et lit les lois de l’univers, l’âme adore la vérité et l’amour, la dignité et la courtoisie se répandent en tous les actes !

Il n’y a jamais eu un pays au monde qui puisse montrer cet héroïsme aussi aisément que le nôtre ; il n’est pas d’État qui ait jamais pourvu de manière aussi efficace à l’éducation populaire, et où les jouissances intellectuelles soient si à la portée de la jeunesse ambitieuse. Le fils de l’homme pauvre a de l’éducation. Dans chaque ville, chaque grande cité, il est nombre d’humbles demeures où le talent, le goût, et quelquefois le génie, cohabitent avec la pauvreté et le travail. Qui n’a vu, et qui peut voir sans émotion, sous un humble toit, les jeunes garçons zélés et timides remplissant comme ils le peuvent leurs tâches domestiques, se hâtant d’aller dans la salle étudier les impitoyables leçons du lendemain, et dérobant toutefois quelques moments pour lire un nouveau chapitre du roman que la tolérance du père et de la mère a laissé introduire avec peine — expiant la chose par quelque passage de Plutarque ou de