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où les êtres savent ce dont ils ont besoin, et ne demandent pas à votre maison comment la leur doit être tenue. Ils ont un but : ils ne peuvent s’arrêter à des bagatelles. Ce n’est point des questions de repas que relève l’ordonnance d’une telle maison, mais le savoir, le caractère, l’activité y absorbent tant de vie et donnent tant de jouissances, que la salle à manger cesse d’y être l’objet d’une attention trop minutieuse. Le changement de but a entraîné le changement de toute la balance où se pèsent d’ordinaire les hommes et les choses. La richesse et la pauvreté y sont estimées à leur juste valeur. On commence à voir que les pauvres sont ceux qui ont de pauvres sentiments, que la pauvreté consiste à sentir pauvrement. Pesés dans la vraie balance, ceux que nous appelons riches, et parmi eux les plus riches, seraient indigents et misérables. Les grandes âmes nous font sentir, avant tout, combien les circonstances importent peu. Elles éveillent aux perceptions supérieures, et triomphent des habitudes vulgaires du confort et du luxe ; les perceptions supérieures trouvent leur objet partout ; ce ne sont que les habitudes inférieures qui ont besoin de palais et de festins.

Que l’homme dise donc : Ma maison existe pour la culture de notre entourage — elle devra être pour les voyageurs la maison ou l’on dort et où l’on mange, mais beaucoup plus encore. Je vous en prie, ô excellente épouse, ne nous mettez pas dans l’embarras, vous et moi, pour offrir à cette femme ou à cet homme qui sont descendus à notre porte un dîner d’apparat, ou une chambre à coucher préparée à un prix trop coûteux. S’ils tiennent à de pareilles choses, ils peuvent les avoir pour un dollar