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d’argent, ou de vulgaires offres d’argent comme le plus grand des biens, mais en lui apportant votre héroïsme, votre pureté, et votre foi. Vous devez avoir avec vous cet esprit qui est sagesse, santé, faculté de s’aider soi-même. Lui offrir de l’argent à la place, c’est lui faire la même injure que le fiancé offrant à la jeune fille à qui il s’était engagé une certaine somme pour s’affranchir de sa promesse. Les grands comptent sur leur cœur, non sur leur bourse. Comme les diamants, le génie et la vertu sont plus beaux quand ils sont simplement enchâssés — enchâssés dans le plomb, dans la pauvreté. Le plus grand homme de l’histoire a été le plus pauvre. Comment faisaient les capitaines, les sages de la Grèce ou de Rome, un Socrate, un Épaminondas ? Aristide fut nommé receveur général de la Grèce, avec charge de recueillir le tribut que chaque État devait payer contre les Barbares. « Pauvre il était quand il entra dans ses fonctions », nous dit Plutarque, « et plus pauvre encore quand il en sortit. » Comment vivaient Paul-Émile et Caton ? Comment était le foyer de saint Paul et de saint Jean, de Milton et de Marvell, de Samuel Johnson, de Samuel Adams à Boston, ou de Jean-Paul Richter à Bayreuth ?

Il me paraît évident que la réponse des foules et des temps : « Donnez-nous la richesse, et la maison sera bien tenue », est vicieuse, et laisse la difficulté intacte. Elle vaut certainement mieux sous cette forme : « Donnez-nous votre travail, et le foyer commencera. » Je ne vois pas comment on peut se dispenser d’un travail de tous les jours, et de chaque jour ; et en ce qui concerne le travail manuel, bien des choses indiquent dans l’opinion et les faits une révolution qui peut apporter