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pas en ces masques bizarres, pitoyables et sinistres (masques que nous portons et rencontrons), ces corps boursouflés ou ratatinés, ces têtes chauves, ces yeux en boule, cette respiration courte, ces pauvres santés précaires, et ces morts prématurées. Nous vivons ruines au milieu de ruines. Les grands faits sont ceux qui sont près de nous. L’explication du corps doit se chercher dans l’esprit. L’histoire de vos destins est d’abord écrite dans votre vie.

Quittons donc la place publique, et pénétrons dans l’enceinte domestique. Voyons le salon, les propos de table, et les dépenses de nos contemporains. Vous dites qu’une conscience plus vive de l’âme caractérise l’âge présent. Voyons si elle a ordonné les atomes non seulement à la circonférence, mais au centre. La maison obéit-elle à un principe ? Voyez-vous l’homme — sa constitution, son génie, et ses aspirations — dans son administration domestique ? Est-elle transparente, pleinement éclairée ? Il ne devrait y avoir rien de déconcertant ni de conventionnel dans l’administration domestique, mais le génie et les sentiments de l’homme devraient se manifester si visiblement en tous ses biens, que celui qui les connaîtrait pourrait lire son caractère dans sa propriété, ses terres, ses ornements, chacune de ses dépenses. L’argent d’un homme ne devrait pas suivre la direction de l’argent de son voisin, mais représenter à ses yeux les choses dont il use le plus volontiers. Je ne suis pas une chose et mes dépenses une autre. Mes dépenses, c’est moi. Que nos dépenses et notre caractère soient deux choses différentes, voilà le vice de la société.

Dans les boutiques et aux étalages, nous deman-