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qu’un désire s’initier à l’histoire réelle du monde et à l’esprit de l’âge présent, il ne doit pas aller d’abord à la salle des États ou au Tribunal, C’est en des choses plus proches qu’il faut chercher l’esprit subtil de la vie. C’est ce qui se fait et se souffre dans la maison, la constitution, le tempérament, l’histoire individuelle, qui a pour nous l’intérêt le plus grand. La réalité vaut mieux que la fiction, si seulement nous pouvions avoir la réalité pure. Croyez-vous que de belles phrases ou un conte pourraient vous détourner de la sagace bohémienne qui dirait sur-le-champ le destin réel de l’individu, réconcilierait votre caractère moral et votre histoire physiologique, expliquerait vos malheurs, vos fièvres, vos dettes, votre tempérament, vos habitudes de pensée, et qui, en chaque explication, ne vous séparerait pas de l’ensemble, mais vous unirait à lui ? N’est-il pas évident que ce n’est point dans les Sénats, les Tribunaux, ou les Chambres de Commerce, mais au foyer qu’il faut étudier le caractère du temps présent et ses espérances ? Assurément, ces faits sont plus difficiles à interpréter. Opérer un recensement, calculer en mètres carrés l’étendue d’un pays, ou critiquer sa constitution, ses livres, ses arts, est chose plus aisée que d’aborder les hommes et leurs demeures, et de lire dans leur genre de vie leur caractère et leurs espérances. Cependant nous planons sans cesse autour de cette divination supérieure. Sous une forme ou une autre, nous y revenons toujours. La physiognomie et la phrénologie modernes sont des procédés assez grossiers et mécaniques, mais ils reposent sur des fondements éternels. Nous sommes certains que la forme sacrée de l’homme ne se voit