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Qu’est-il donc arrivé ? Le poète s’est laissé aller à un rêve de douceur et de beauté, mais il se rappelle que tous ces enchantements qu’il rêve sont passagers, et il s’arrache à leur séduction ; « non, dit-il, je n’avouerai pas que je vous préfère au repos du non-être » :


Ah ! tout cela, jeunesse, amour, joie et pensée,
Chants de la mer et des forêts, souffles du ciel
Emportant à plein vol l’espérance insensée
Qu’est-ce que tout cela, qui n’est pas éternel ?


Et tout est empoisonné, tout est amer. Leconte de Lisle ne nie pas les joies de la vie, mais l’ombre de la mort étant sur elles, il ne les estimera pas plus que les souffrances. Et c’est alors qu’il pousse cette exclamation :


Soit ! la poussière humaine, en proie au temps rapide,
Ses voluptés, ses pleurs, ses combats, ses remords,
Les Dieux qu’elle a conçus et l’univers stupide
Ne valent pas la paix impassible des morts.


Ce soit ! qu’on a tant cité est en effet tout ce qu’il y a de plus caractéristique. On peut s’imaginer le poète repris de temps en temps par son ancien amour de la vie, lui jetant comme un regard de pardon, mais chaque fois il aperçoit la mort au travers. « Soit ! » dit-il alors, et au lieu de retrouver sans