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pessimiste entre les plus pessimistes, dont le dernier vers est cité comme exprimant le fond désespéré de l’âme de Leconte de Lisle : tout l’essentiel de cette invocation est de 1846 ! C’est dans les Sandales d’Empédocle : Empédocle va se précipiter dans le cratère de l’Etna et il s’écrie :


Donne une paix sublime au sage ! Fais un Dieu !
Comme un son qui finit, comme un éclair qui passe,
Affranchis-moi du temps, du nombre et de l’espace,
Et, rejetant sur moi ton poids amoncelé,
Que je rentre au repos que la vie a trouble.


Mais une restriction s’impose : si, d’une part, il est bien grave que dès lors Leconte de Lisle ait élaboré en lui une idée si terrible, il faut remarquer d’autre part qu’elle est encore, pour ainsi dire, dans sa gangue, et non seulement à cause de l’expression. L’auteur lui enlève une partie de sa portée en la mettant dans la bouche d’un autre ; et plus loin, il blâme Empédocle d’avoir voulu « descendre avant l’âge au repos éternel », le désavouant ainsi presque. On voit son état d’esprit : il sent germer en lui un sentiment qu’il redoute, et il met la main dessus pour l’étouffer.

Quelques années d’oscillations, de doutes, et nous arrivons à Bhagavat, à Midi, à Dies Iræ :