l’écoulement vain, au delà du « cours accompli » des siècles, il n’y a rien ; l’oubli vient, et tout est dit[1]. L’action désormais est vaine et toujours décevante ; et il en va de même du reste. Nous jouissons, et nos jouissances s’en vont dans le néant[2] : nous souffrons, et personne ne sait rien de nos souffrances, et il n’en restera trace nulle part ; nos voluptés sont amères et nos souffrances sont slupides.
La catastrophe n’a pas lieu immédiatement après la Recherche de Dieu ; Leconte de Lisle a encore des retours de spiritualisme, et, de plus, la lutte sociale l’absorbe au dernier point. Il y a d’inquiétantes fissures pourtant à son optimisme ; à plusieurs reprises on dirait qu’il se pose la question : faut-il désespérer ? et il doit secouer d’un geste résolu les idées noires qui l’assaillent. Un exemple est à citer pour son intérêt exceptionnel. Tout le monde connaît l’invocation finale de Dies iræ, la strophe
- ↑ Cet oubli qui est le dernier terme de l’anéantissement
apparaît parfois mis en relation directe avec le pessimisme,
comme dans l’Illusion suprême [Poèmes tragiques, p. 39] :
- Qui saura que ton âme a fleuri sur la terre,
- Ô doux rêve promis à l’infaillible oubli ?
Et la suite est pessimiste.
- ↑ Voy. dans Bhagavat le discours d’Angira, le sage
qui doute :
- Le vain bonheur des sens s’écoule comme l’onde,
- Les voluptés d’hier reposent dans l’oubli ;
- Rien qui dans le néant ne roule enseveli ;
Les deux premiers vers pourraient être prononcés par un chrétien ; mais le troisième donne au passage la marque du pessimisme.