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on voit des poètes ou des penseurs chez lesquels tout se meut autour des idées de bien et de mal, ou d’idéal et de réel, ou de souffrance et de jouissance, ainsi, chez Leconte de Lisle, le foyer central c’est l’opposition de l’Être et du non-être, et l’objet perpétuel de sa contemplation, c’est cet instant où l’existence devient néant : la mort. Le pessimisme de Leconte de Lisle viendra de là ; il sera de nature métaphysique et une conséquence immédiate de sa négation de toute immortalité ou éternité.

Dès la Recherche de Dieu, c’est-à-dire dès le premier moment où il commençait à douter, il avait pressenti l’effet qu’aurait une telle négation : la vanité de toutes choses, le désespoir sans remède. Voici son appel au Dieu qui ne se découvre pas :


Seigneur, Seigneur, parlez ! Sombres ou magnifiques,
Avec l’éclat du rire ou le cri du sanglot,
Les époques d’orage et les temps pacifiques
Rouleront-ils toujours vainement flot sur flot ?

Quel soleil séchera leur tombe diluvienne ?
Que sont-ils au delà de leur cours accompli ?
Hélas ! ce qu’on sait d’eux, c’est qu’ils vont à l’oubli…
Seigneur, de votre abîme il n’est rien qui revienne.


Qu’adviendra-t-il si Dieu refuse à jamais de parler, s’il n’exisle même pas, et si le spiritualisme est un rêve ? Supposons qu’il en est ainsi. Au delà de