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pour se rapprocher de l’Inde, ce désir plus général sera presque la forme habituelle du désir d’immortalité. Se plaçant, dans la princesse Yaso’da, au point de vue hindou, il a trouvé cette consolation à l’idée de la mort : « Rien ne meurt, car Brahma contient tout et Brahma est vivant. » Voilà une consolation qui ferait hocher la tête à un chrétien ; mais au point de vue hindou, c’est nous qui nous faisons une idée fausse et compliquée de» choses avec notre immortalité personnelle, tandis que l’éternité au sein de l’Être unique et réel est la seule qui ait un sens. Ce n’est pas que Leconte de Lisle partage les espérances des Hindous ; il s’agit seulement de montrer comment sa pensée et son imagination se modifient au contact de la leur. C’est ainsi qu’il arrive finalement à l’indétermination complète. Qu’est-ce qui doit être éternel ? Il ne saurait plus le dire, il sait trop que s’il nommait une chose de celles qui ont un nom, elle se déroberait. Mais pour

    tes se servent parfois sans se soucier du sens véritable. Mais ailleurs, dans un Hymne au soleil couchant, on lit ceci [ibid., p. 109] :

    Hélas ! gloire, beauté passent, banni céleste.
    Mais l’abîme profond des flots
    Dans ton vol éternel est un lieu de repos :
    Soleil ! on peut mourir quand l’éternité reste.
    On devine une pensée forte : je peux disparaître, moi en ma personne, puisqu’il y a une éternité. Mais le texte est obscur et souffre plusieurs interprétations , et de plus on hésite à attribuer une telle pensée au Leconte de Lisle chrétien d’alors.