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Dans l’Illusion suprême[1], c’est une vision de l’existence presque en rose ; « jeunesse, amour, joie et pensée », toute douceur et toute bonté y sont réunies ; et la « joie des choses » se retrouve jusque dans la Mort de Valmiki[2], et la « vie immense, auguste » est célébrée jusque dans Bhagavat. Khiron, qu’est-ce autre chose que la vie puissante et joyeuse exaltée comme l’idéal suprême ? et faut-il rappeler toute la série des poèmes grecs qui l’ont précédé et suivi ? « La destinée humaine est le bonheur », Leconte de Lisle l’a dit textuellement[3], et si le désespoir devant le spectacle de la souffrance et du mal a pu être considéré parfois comme l’origine de son pessimisme, cette interprétation ne vient en grande partie que de ce qu’on a voulu expliquer la pensée du poète par des rapprochements avec des pessimistes d’une tout autre espèce : on a parlé de Vigny, et les plus philosophes ont ajouté Schopenhauer. Leconte de Lisle diffère d’eux très profondément.

De même qu’il ne voit pas en mal la vie, il a, malgré des boutades violentes qu’on pourrait citer, une opinion favorable de la nature de l’homme au point de vue moral. La bonté de l’homme, que Fou-

  1. Poèmes tragiques, p. 36.
  2. Poèmes antiques, p. 28.
  3. Catéchisme populaire républicain, p. 7.