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Pour retenir quelque chose de la lumière qui le fuit, il fait une théorie d’après laquelle il renonce à tout dogme absolu, heureux s’il peut atteindre « une part de la vérité éternelle »[1]. Mais à ce moment déjà il semble avoir entrevu ce qui désormais sera son dogme, c’est-à-dire la négation radicale : il y a, dans Hypatie[2], un mot qui peut être interprété dans ce sens :


Les Dieux sont en poussière et la terre est muette.
Rien ne parlera plus dans le ciel déserté.

En 1852, il a mis « ton ciel déserté », celui d’Hypatie, l’Olympe païen ; mais le vers de 1847 semble avoir une autre portée : le ciel n’est plus peuplé du tout, il n’y a plus rien à attendre. Est-ce, à ce moment déjà, une opinion solidement établie ou n’est-ce encore qu’un abattement momentané ? on ne saurait le dire, mais ce qui est certain c’est que dans les Poèmes antiques, dont les derniers sont de 1851, Dieu n’est plus qu’un souvenir. Leconte de Lisle appelle encore ; il répète le cri de la Recherche, plus ardent :

  1. Lettre à Bénézit, juin 1847 : « Un dogme, quel qu’il soit, ne peut jamais contenir qu’une part de la vérité éternelle, mais non cette vérité tout entière. »
  2. Hypatie est précisément publiée en été 1847.