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voudrait[1], et, de temps en temps, on le voit qui revient à son Dieu d’autrefois, extérieur au monde et providentiel.

Or, voici que cette ancienne conception qui allait s’affaiblissant, une circonstance nouvelle vient lui donner un regain de vie. En 1845, Leconte de Lisle accepte de collaborer à la propagande fouriériste, et bientôt l’idée phalanstérienne le remplira d’enthousiasme. « J’ai tracé le dogme de la foi nouvelle » ; c’est avec ce coup de clairon triomphal qu’il débarque en France[2]. Or, la doctrine à laquelle il adhère, pour être une doctrine sociale, n’en contient pas moins une philosophie : elle s’appuie sur le postulat d’un Dieu providentiel et très soucieux du bonheur des hommes[3] ; et tout l’optimisme de Fonrier, tout

  1. On nous parle même, dès cette époque, d’une incertitude nettement exprimée sur la nature de Dieu. Leblond, p. 156 : « Il ne s’agit pas, songes-y, de nier ou d’avouer l’existence d’un Être ainsi nommé, mais de bien nous rendre compte de la substance et de la nature de l’Être ; ce qui est une toute autre affaire ». Mais je ne puis rien conclure d’une phrase isolée de son contexte et citée à l’appui d’une thèse toute personnelle.
  2. Première lettre à Bénézit, juin 1845.
  3. « L’universalité de providence » est un des « attributs » primordiaux du Dieu de Fourier. (Théorie de l’unité universelle, t. II, p. 245 ; cité par Bourgin, dans son livre sur Fourier, thèse de la Faculté des lettres de Paris, 1904,8°. Excepté quelques textes sur l’immortalité de l’âme, tout ce que je cite de Fourier est emprunté à cette monographie. Les pages indiquées sont celles de l’édition faite par les soins de l’École, en 1841 et années suivantes).