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la donne : éternité des âmes en Dieu, c’est une doctrine de l’Éthique, et tout porte à croire en effet que ce qui constitue la charpente solide sous la confusion des rêves flottants du poète, ce sont des matériaux empruntés directement ou indirectement à Spinoza[1].


    du beau infini, de l’âme universelle du monde, de Dieu dont nous sommes une des manifestations éternelles » ; et p. 153 : « Dieu en nous ».

  1. Que la philosophie de Leconte de Liste à cette époque procède de Spinoza, c’est une hypothèse que je présente, car il n’y a pas de texte où Spinoza soit nommé, comme c’était le cas pour Lamennais. Mais il y a tant d’indications convergentes qu’on ne peut guère hésiter. D’abord, certaines marques assez extérieures : l’expression d’amour intellectuel ; l’emploi, avec une sorte de volupté, des termes techniques mode et substance ; la méthode de raisonnement a priori, où l’on pose la définition pour en déduire la conséquence, avec un dédain superbe des objections tirées de l’expérience ; son ami lui crie : « Mais nous voyons tous les jours le contraire de ce que tu dis ! » et il répond : « C’est un sophisme, et je te le ruinerai à l’aide de mes définitions ».

    En fait de doctrines, d’abord cette idée, si caractéristique, de l’éternité des âmes en Dieu [voy. Éthique, V, 23] ; au contraire, quand c’est dans le panthéisme hindou qu’il puisera, il parlera de manifestations non pas éternelles mais passagères. (La princesse Yaso’da.) Ensuite, ses idées sur la morale : la phrase (Leblond, p. 149) sur « la distinction vide de sens du moral à l’intellectuel » fait penser à Spinoza, pour qui la vertu est liée à l’intelligence, ainsi que celle sur les « morales factices d’ici-bas » (p. 158) dont on peut rapprocher Éthique, IV, 3j, Scholie 1, par exemple ceci : « in statu Civili… excommuni consensu decernitur, quid bonum, quid malum sit ».

    Enfin, dans sa façon de parler du corps et de l’âme (« il