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mais où ? dans « l’empire infini des sereines idées » ; et quelle impression accompagne cette rencontre ? celle du calme[1]. C’est déjà le Dieu métaphysique. L’amour qui autrefois s’épanchait de préférence aux pieds de la divinité, visiblement le poète commence à le reporter sur la nature ; son intimité avec la nature qui a « bercé sa jeunesse entre ses bras sublimes » est le sujet même de la pièce, et les expressions de tendresse et de ravissement vont à la création plus qu’au créateur. Les « sereines idées », le « calme », les « visions chastes », tout cela est bien austère ; jusqu’à ce qu’enfin, dans les lettres à Adamolle, si le nom de l’amour apparaît, c’est avec l’épithète, qui aurait fait tressaillir Rouffet, d’intellectuel[2]. Le cœur est mis au second plan ; l’intelligence d’abord ! en 1844, Leconte de Lisle est un métaphysicien[3] initié aux mystères du mode et de la substance[4] et qui enchaîne les propositions comme un géomètre[5]. Le résultat est le remplace-

  1. Le monde où j’ai vécu n’a point quelques coudées.
                 On ne le trouve en aucun lieu :
    C’est l’empire infini des sereines idées
                 Et, calme, on y rencontre Dieu.

  2. Leblond, p. 149
  3. Le mot de métaphysique revient à tout moment. « C’est ici le lieu de te soumettre quelques lignes qui te feront peut être, au premier abord, l’effet d’une subtilité métaphysique » (ibid., p. 148) ; et p. 150 : « point de distinction du moral à l’intellectuel en bonne métaphysique ».
  4. Ibid., p. 150.
  5. Ibid., p. 149 :« Ce n’est qu’un sophisme, et je te le rui-