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C’est la seconde grande péripétie de sa vie intérieure qui commence. Le christianisme n’est plus en cause ; c’est du spiritualisme même qu’il s’agit. Ce Dieu qu’il adorait, il a dû, un jour ou l’autre, s’en demander la définition ; mais, ayant porté la rnain sur lui, il le sent plier entre ses doigts. Il n’hésite pis ; une fois engagé dans la voie des recherches philosophiques, il continuera. Cette fois, ce qui détermine l’évolution, ce n’est plus la séduction du cœur ; c’est un dur effort intellectuel qui, de destruction en destruction, le mènera jusqu’à l’effondrement final.

Dans la première pièce de vers que nous trouvons sur notre chemin après celles de la Variété[1], nous retrouvons toujours a l’amour immense et pieux » des années précédentes, toujours aussi le Dieu qui est le créateur[2] et de qui les événements dépendent[3]. Mais voici un signe de transformation profonde : Ce Dieu, ce n’est plus le Dieu « sensible au cœur », celui qu’on aime et dont on sent la présence dans l’amour ; le poète dit qu’il le « rencontre » ;

  1. Citée dans la Littérature française de Staaff, t. III, p. 815. À la page suivante du même volume est citée une seconde pièce, les Gouttes de Rosée, assez insignifiante et certainement antérieure. On y retrouve encore les chérubins des poésies de 1839 et 1840 et, à voir la couleur et le style de tout le morceau, on serait tenté de le placer à cette époque-là.
  2. La nature est appelée « l’éternelle création ».
  3. « Dieu m’a fait naître au flanc des monts. »