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et fermes semblent lui manquer ; qu’il cherche, unissant pour le moment dans un accord harmonieux les « joies de la libre pensée » et celles de la religion, plein d’espoir que les données de l’intelligence s’accorderont avec les besoins du sentiment. Cet état d’esprit dura plusieurs années ; la lettre où son frère admire ses principes irréprochables est du 19 novembre 1842. Mais, finalement, le conflit eut lieu ; et le jour où Leconte de Lisle, cherchant une certitude vraie, fut fixé, il ne fut plus chrétien. On ne sait pas quels furent les arguments qui le déterminèrent ; mais on ne peut s’empêcher de voir un souvenir de cette crise, sous le voile d’une sorte d’allégorie très transparente, dans un passage de la Recherche de Dieu, écrite quelques années plus tard[1]. Il s’y représente à Saint-Pierre de Rome, enivré par la magnificence du culte catholique, tout plein d’illusions et voyant chaque chose mille fois plus belle qu’elle n’est en réalité : mais les illusions disparais-

    même, nous savons par Jean Dornis qu’il fut détruit en manuscrit cette même année 1845 : « Du voilier qui l’avait ramené de Bourbon, il avait jeté à la mer mille vers. La pièce d’Hypatie fut seule épargnée… » [Leconte de Lisle intime, p. 11.] Hypatie elle même ne pouvait exister alors qu’à l’état d’ébauche : elle n’a paru qu’en été 1847, et tant la pensée que la forme font croire à une refonte complète.

  1. La Phalange, premier numéro de 1846 : le poème est donc de la seconde moitié de 1845.