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religieux, la croyance déiste, l’amour, l’immortalité, vient s’y fondre harmonieusement, avec une dernière note qui s’y ajoute, bien religieuse et bien belle : le poète jette un regard en arrière, sur sa vie, et y trouve des raisons de se repentir ; mais maintenant il a compris Dieu et il sent qu’il est purifié. Comme on peut dire que ce sont les premiers beaux vers qu’ait faits Leconte de Liste, il est juste de citer le passage en entier :

Ô mon Dieu, se peut-il que l’homme vous renie ?
Vous dont la main puissante a dispensé pour nous
Votre amour dans les cœurs, dans les cieux l’harmonie.
Sur la terre ces monts qui retournent à vous ?
Oh ! faites-moi mourir à cette heure si belle
Où mon faible regard plonge en l’immensité,
Où votre œuvre terrestre et votre œuvre immortelle
Vous bénissent, Seigneur, par leur sublimité.
Oh ! faites moi mourir ! Quelle qu’ait été ma vie,
Mon âme vous comprend, et je suis racheté !
Qu’elle monte vers vous, sans être poursuivie
De sa faiblesse ou bien de son iniquité ![1].

  1. Premières poésies et lettres intimes, p. 137. Août 1839.
    (Je donne le neuvième vers avec 13 syllabes, comme je le
    trouve dans le recueil de M. Guinaudeau : Leconte de Lisle
    aura écrit quelqu’ait été.)