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mort, qu’on s’élance même au devant d’elle aux heures de plus grand bonheur, comme si elle était le plus parlait épanouissement de vie et d’amour.

Aussi est-il plein d’une reconnaissance infinie envers le Dieu qui lui donne le bonheur et l’éternité. Lui qui n’a jamais eu le sentiment de la « bassesse » de l’homme, il se prosterne, non devant la puissance, mais devant la bonté de Dieu. « Le génie est l’orgueil», a-t-il dit ; mais point d’orgueil en face du distributeur de tous les bienfaits, qui ne doit recevoir que des actions de grâces[1]. C’est l’adoration qui lait trouver à Leconte de Lisle ses plus beaux accents, puisés au plus profond du sentiment ; sa meilleure pièce est une prière : tout ce qui forme son sentiment

  1. « Le génie est l’orgueil » ce mot se trouve dans la première Lélia dans la Solitude. Il y a deux pièces sous ce titre : l’une, où il exhorte Lélia non pas certes à se révolter, mais à puiser dans l’orgueil la force de supporter l’adversité, et cette pièce est citée sous le no 17 dans une liste qu’il établit en octobre 1839. [Premières poésies et lettres intimes, p. 174.] La seconde, où il lui donne un tout autre conseil, celui de s’élever vers Dieu et de chercher l’apaisement dans la prière, est postérieure ; elle ne paraît qu’en été 1840, dans la Variété. C’est à elle que s’appliquent ces quelques mots d’une lettre à Rouffet, du 19 juin 1840 : « Vous y trouverez (dans la livraison qui doit paraître) une de mes anciennes pièces, totalement retouchée. À mon sens, c’est tout ce que j’ai jamais fait de mieux. « Je ne crois pas, pour ma part, que, d’une pièce à l’autre, il y ait palinodie, mais si ion y tient absolument, on voit qu’elle se fait dans le sens religieux, et non en sens contraire.