Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui est le sentiment religieux entre tous, le « chaste et brûlant reflet des temps religieux »[1].

Mais il ne suffit pas au poète d’aimer et d’être aimé ; il veut voir l’amour partout, dans les choses, présidant au sort du monde : et ce besoin aussi est satisfait par la croyance en un Dieu personnel qui gouverne le monde, et de qui viennent toute beauté et toute bonté. Le monde conçu religieusement est poétique, beau, sublime, harmonieux ; l’extase, l’aspiration des cieux, c’est-à-dire, pour parler en prose, le sentiment religieux

nous fait lire
Sur les vieux univers : amour, gloire, beauté[2].

Aussi tout ce que Leconte de Lisle trouve au monde de bon, de pur et de noble, tout cela, dans ses poésies, est comme fondu dans le sentiment religieux. Souvent il traite des sujets vraiment religieux ; mais ceux qui ne le sont pas par leur nature propre le deviennent par la teinte qu’il répand sur eux. Au milieu des idées les plus humaines éclate l’idée de Dieu, au milieu des images les plus terrestres la vision du ciel[3]. Rien ne ressemble moins

  1. Variété, p. 175.
  2. Premières poésies et lettres intimes, p. 61. — Cf. aussi
    le texte cité plus loin, sur la sublimité de l’œuvre de Dieu.
  3. Voici par exemple une pièce consacrée au souvenir de sa famille (p. 71) ; en parlant de « ses parents chers et bons »