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qu’il crée, l’amour mystique, l’amour de l’âme, celui dont parle Platon. » Mystique : on voit qu’il ne recule pas devant le mot le plus fort ; et il le répèlera encore, parlant de la mysticité dont les joies et les douleurs de son amour idéal ne peuvent se séparer. Comment un sentiment infini, idéal, mystique, pourrait-il se contenter de flotter autour d’objets terrestres et profanes ? pour ce que Leconte de Lisle éprouve, il n’y a d’autre expression que l’expression religieuse : l’amour comme il le conçoit est « le rêve merveilleux du suprême séjour »[1]. car il donne l’intuition d’une félicité suprême, comme il n’y en a pas parmi les hommes. Le seul objet enfin digne de lui, infini, idéal, mystique, c’est Dieu. Aussi est-ce un lien d’amour qui unit les hommes à Dieu, Dieu aux hommes ; le Créateur épanche son amour sur les créatures[2], et les créatures le lui rendent en hymnes d adoration[3]. La dernière déchéance de l’homme qui s’est éloigné de Dieu, c’est de n’avoir plus d’amour[4],

  1. Variété, p. 175.
  2. Premières poésies et lettres intimes, p. 20 :

           ces regards d’amour et de bonheur
    Que Dieu laissa tomber de la céleste enceinte.

    p. 139 :

    Le miel de son amour qui jamais ne s’efface.

  3. Variété, p. 170 : « À Dieu l’hymne d’amour. »
  4. Ibid., p. 110 (Lélia dans la solitude) : « et surtout plus d’amour ».