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il signerait la phrase de Lamennais où il est dit que l’humanité peut « saluer dans le Christ son législateur suprême et dernier »[1]. Mais il dit aussi seconde aurore, et du contexte il semble résulter que la première était la pensée grecque, de sorte que ces paroles, tout en plaçant le christianisme au sommet le plus haut, ne mettent pas entre le passé et lui cet abîme qu’il y a entre les choses divines et humaines.

Quelle est donc exactement son altitude envers le christianisme, non en tant qu’esprit chrétien, mais en tant que dogme et système ? Le christianisme l’a tenté, ses « rêves sublimes » sont les siens : de ce côté il n’y a pas de doute. Mais, dès qu’il s’agit de conviction dogmatique, on sent des flottements ; visiblement il n’est pas fixé, il cherche encore. Il « discute théologie » avec Houein[2] ; il est à l’affût des ouvrages qui paraissent sur le sujet et n’en rejette aucun a priori. Un grand bruit s’est élevé autour de l’ouvrage d’un rabbin qui « parle du Messie à venir et nie Jésus-Christ par les prophéties même »[3] ; il ne songe pas à se moquer, il se propose de lire, d’examiner, de juger après. On voit son état d’esprit : c’est un homme prévenu très fort en faveur du christianisme ; il est entré

  1. Lamennais. Livre du peuple, chap. XVI.
  2. Premières poésies et lettres intimes, p. 158.
  3. Ibid., même page.