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prit de Leconte de Lisle[1], il restera le maître vénéré à qui l’on adresse des « odes » enthousiastes.

Désormais, il est de cœur avec les chrétiens. Il y a, dans une des premières lettres à Rouffet, un mot sur le Caligula de Dumas, où il relève comme une beauté « les vers si profonds sur le christianisme »[2]. Les hommes n’appellent guère profondes que les idées qu’ils partagent ; reportons-nous donc au texte de Dumas, et voyons ce que Leconte de Lisle appelle profond. Tous ces vers sont simplement d’un chrétien : affirmation de l’immortalité, des récompenses et des peines, de la miséricorde de Dieu ; quelques mots sur la prédication égalitaire de Jésus, sur le pardon, enfin sur l’« amour immense, inépuisable » que Dieu nous réserve dans l’autre monde[3]. Et qu’est-ce qui fait que même des gens de goût admirent si souvent des vers médiocres ? la prévention en faveur des idées qu’ils expriment. Si cela est vrai, quiconque aura lu les vers de Caligula devra avouer

  1. Premières poésies et lettres intimes, p. 19. « Lamennais se trompe. » Il s’agit d’une question toute sociale.
  2. Ibid., p. 9.
  3. Caligula, dans le tome VI, du théâtre d’Alexandre Dumas, éd. Calmann-Lévy. Voir les scènes I, 2 (Stella explique à sa mère ce qu’est le christianisme) et IV, 2 (elle convertit Aquila). Leconte de Lisle admirait particulièrement cette dernière ; la profession de foi qu’on y trouve se résume dans ces deux principes : Dieu comme créateur ; Jésus-Christ comme Sauveur prédestiné.