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en général, c’est la religion sous sa forme chrétienne. Pour Leconte de Lisle, la religion c’est le christianisme, et le christianisme, c’est, non pas le catholicisme, mais certainement quelque chose qui procède du catholicisme. La cause en est la plus simple du monde : c’est qu’en fait de religion il n’en connaît point d’autre[1]. Renan, parlant du retour des esprits vers le catholicisme, dans l’époque qui suivit la Révolution, dit que, le besoin d’une religion se faisant sentir. « le catholicisme seul s’est trouvé sous la main. Le catholicisme, pour l’immense majorité de ceux qui le professent, n’est plus le catholicisme, c’est la religion »[2]. Tel fut le cas de Leconte de Lisle, avec cette circonstance particulière seulement qu’il alla tout de suite à la forme du christianisme la plus libérée qu’il connut.

Son antichristianisme des premières années, pour être, dans l’expression, farouche et cassant, n’en laissait pas moins une petite porte ouverte à des sentiments plus sympathiques. Sans doute, le christianisme actuel est un « mensonge infâme » ; mais remarquez la réserve contenue dans ce mot : « la

  1. Il ne saurait être question d’une connaissance directe, à cette époque, de la pensée hindoue, par les Hindous de Bourbon, comme il sera montré dans un autre chapitre.
  2. Renan. Avenir de la Science, p. 485 (Calmann Lévy, 8o). Et un peu plus haut, p. 484 : « Ce n’est pas au catholicisme en tant que catholicisme, que le siècle est revenu, mais au catholicisme en tant que religion. »