Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette illusion poétique. Certes, il n’est pas faux de dire que les hommes et tous les êtres que nous appelons réels ne sont, eux aussi, que des produits de la Mâyâ ; mais les Dieux, c’est l’homme qui les crée, ils n’ont d’existence qu’en lui et sont, pour ainsi dire, l’illusion d’une illusion, le rêve d’un rêve. C’est là l’implacable vérité qu’il se fait répéter ici :


                                             et tu sais désormais,
Éveillé brusquement en face de toi-même,
Que ces spectres d’un jour, c’est toi qui les créais.


Tout ce qui est dit dans le Nazaréen n’est que de la poésie, toute la défense qu’Hypatie fait de la réalité de ses Dieux n’est que l’effort impuissant d’une pensée qui veut échapper à une évidence trop cruelle. L’Homme veut être transporté vers le sépulcre de ses Dieux comme s’ils avaient réellement existé et étaient i éellement morts ; le Spectre lui répond par la vérité vraie :

C’est dans ton propre cœur qu’est le Charnier divin.

Là sont tous les Dieux morts, anciens songes de l’Homme
Qu’il a conçus, créés, adorés et maudits…


Mais ces songes, l’homme ne peut les oublier ; ils le « hanteront jusques au dernier jour », comme ils ont hanté le poète lui-même après qu’il eut cessé d’y croire. Et Leconte de Lisle se demande : si