Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien ne me rendra plus « la loi ni le blasphème, la haine ni l’amour ? » Mais il faut citer ses vers tout au long :


Et l’Homme se souvint des jours de sa jeunesse,
Des heures de sa joie et des tourments soufferts,
Saisi d’horreur, tremblant que le passé renaisse,
Et, forçat libre enfin, pleurant ses premiers fers…

…, Et l’Homme cria : — Dieux déchus de vos empires,
Ô Spectres, ô Splendeurs éteintes, ô Bourreaux
Et Rédempteurs, vous tous, les meilleurs et les pires,
Ne revivrez-vous plus pour des siècles nouveaux ?

Vers qui s’exhaleront les vœux et les cantiques
Dans les temples déserts ou sur l’aile des vents ?
À qui demander compte, ô Rois des jours antiques.
De l’angoisse infligée aux morts comme aux vivants ?

Vous en qui j’avais mis l’espérance féconde,
Contre qui je luttais, fier de ma liberté,
Si vous êtes tous morts, qu’ai-je à faire en ce monde,
Moi, le premier croyant et le vieux révolté ?


Tel est le dernier appel de son sentiment religieux, et sa dernière formule en même temps : car ces strophes, avec leurs définitions nettes, leurs termes précis opposés deux à deux, ont bien la valeur d’une formule. Et, d’autre part, dans cette prière aux