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Cette tendance à voir les Dieux selon le type qu’il n’aime pas entraîne naturellement une tendance à l’hostilité contre tous les Dieux. De la haine, d’abord réservée au christianisme, quelque chose rejaillit sur les autres cultes ; Leconte de Lisle en garde une trop forte empreinte pour pouvoir désormais en faire abstraction ; sa colère de révolté ne se tourne plus contre le seul Iahvèh. Cependant, tout ce qui fait son sentiment religieux persiste et ne s’affaiblit nullement ; c’est dans les Poèmes tragiques que figure l’Illusion suprême avecle vers fameux : « Qu’est-ce que tout cela, qui n’est pas éternel ? » et « l’âpre désir des choses éternelles »esl plus tardif encore. Il peut avoir contre les Dieux des velléités de colère ; il n’en continue pas moins à les aimer, et c’est d’alors aussi que date son invocation au « très saint Orient, qui conçut tous les Dieux». Voilà donc deux sentiments qui ne paraissent s’harmoniser aucunement, et pourtant également sincères et également vifs. Leconte de Lisle ne sent jamais faiblement ; ce qui chez un historien serait de la critique est haine chez lui ; ce qui chez l’historien serait sympathie devient chez lui vie religieuse même, identification avec le croyant. Ainsi, le sentiment de la haine entre pour ainsi dire dans la vie religieuse. De là une dernière évolution de son sentiment religieux : elle se traduit par la Paix des Dieux, qui est comme l’épilogue de toute son œuvre et comme la synthèse finale. Le libre