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Les Dieux, reculés loin de l’homme, lèguent dans les hauteurs de leur ciel mystérieux, enveloppés de terreur ; ils sont avant tout les justiciers[1], à tout moment il est question de leur justice, mais c’est une justice qui exclue la clémence, et ces juges sont surtout des vengeurs[2] ; leur caractère devient barbare à son tour. Une sorte de prédestination s’y retrouve aussi : la prédestination au crime qui pèse sur la race ; et Électre proteste comme Qaïn :


Qu’avons-nous fait, ô Zeus, pour cette destinée[3] ?


Dans la Paix des Dieux, enfin, il est question de tous les Dieux, absolument tous : l’homme, cette fois, est leur forçat qui porte leurs chaînes[4], et ils sont, eux,


                                             les Maîtres de la Terre
Qui parlaient dans la foudre au monde épouvanté ;



et dans le Sacrifice encore, parlant de la religion en général, le poète dira : « le ciel idéal dont la hauteur accable » ; ce n’est plus le ciel qui « descend au premier appel »[5].

  1. Les Érinnyes, II, scène II [Poèmes tragiques, p. 212] : « Zeus justicier ».
  2. lbid., I, IV, p. 180 :
    Rois Olympiens, vengeurs des faits illégitimes !

    et p. 181 :
    Ô patients vengeurs longuement suppliés.
  3. Ibid. II, V, p. 219.
  4. « Et, forçat libre enfin, pleurant ses premiers fers ».
  5. Ce n’est pas, bien entendu, que le point de vue ait changé du tout au tout ; c’est un élément nouveau qui prend place à côté de l’élément ancien. Les « divins amis de la race choisie » sont dans la Paix des Dieux.