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pression est de lui) ; et plus tard, quand il aura sensiblement changé de point de vue, il sera cependant forcé d’avouer que ses « premiers bégayements » offraient au moins l’apparence d’un esprit antireligieux[1]. Il a extrait de l’abbé Raynal cette citation : « La raison, dit Confucius, est une émanation de la divinité ; la loi suprême n’est que l’accord de la nature et de la raison ; toute religion qui contredit ces deux guides de la vie humaine est un mensonge infâme. » Et il ajoute : « Telle est la religion dégénérée du Christ »[2]. Voilà son opinion claire et nette : Leconte de Lisle, au moment où nous prenons contact avec lui, est déjà antichrétien, et si dans ses dispositions de jeunesse on voulait chercher le germe de quelques-uns de ses poèmes de l’âge mûr, c’est bien plutôt à la Bête écarlate ou aux Siècles maudits qu’il faudrait songer, c’est-à-dire aux violentes invectives antichrétiennes, qu’aux vrais, aux beaux poèmes à sujet religieux. Mais qui en voudrait tirer une conclusion trop précipitée se tromperait : car nous avons affaire ici à une de ces opinions d’adolescent qui n’a encore vu des choses que ce qu’on lui a fait voir, de ces opinions que nous acceptons entièrement du dehors, sans que notre propre nature, encore

  1. Lettre de 1844, citée par Leblond, p. 163.
  2. Cité par Leblond, p. 17, comme une note d’un cahier autographe conservé au Lycée Leconte de Lisle, à Bourbon.