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ont connu Leconte de Lisle ont fait. « Quelle est la chose qui vous frappa le plus en lui » ? demande un journaliste à l’un d’eux ; et celui-ci répond : « Sa haine du christianisme »[1]. Et comme pour les neuf dixièmes des modernes le christianisme est la religion par excellence et qu’ils ne conçoivent pas de sentiment religieux autre que le sentiment chrétien, voilà Leconte de Lisle, aux yeux de beaucoup, et malgré tout ce que les meilleurs critiques ont dil en sens contraire, érigé en poêle antireligieux entre tous[2]. Cela porte à faire de toute sa poésie religieuse un pur jeu d’imagination sous lequel se cache l’indifférence parfaite : comment dès lors pourrait-on la sentir ? Mais — pour finir sur une nouvelle comparaison — la mer ne jette pas ses perles sur la grève : un poète non plus ; et qui ne veut pas plonger doit se contenter de coquillages. Passons maintenant à ce qui est le plan supérieur selon lequel se développe l’antichristianisme. Il ne s’agit pas d’énumérer les traits qui peuvent être considérés comme des restrictions à ce sentiment, quoiqu’il soit facile d’en trouver dans Hiéronymus

  1. Le Journal du 19 juillet 1894, dans l’un des nombreux articles publiés à la mort de Leconte de Lisle. Celui qui répond ainsi est Pierre Quillard.
  2. M. Vianey encore, l’auteur du volume le plus récent sur Leconte de Lisle, a quelque peu donné dans ce piège.