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un vrai croyant et un vrai ascète ; on sent que Leconte de Lisle l’aurait combattu à mort, mais qu’il l’admire, lui et ses successeurs que son esprit « brûle de sa lave ». Dans l’Agonie d’un Saint, la condamnation de la férocité fanatique est prononcée non par le poète, mais par le coupable lui-même, par l’exterminateur qui, au moment de mourir, reconnaît qu’il a agi contre l’esprit vrai du christianisme, et se voit déjà parmi les réprouvés : c’est donc qu’il y a dans le christianisme autre chose que l’extermination des hérétiques. Quant aux horreurs étalées dans les Paraboles, c’est au nom du christianisme qu’elles sont flétries : celui qui parle est un moine et un bon catholique qui voit combien la réalité est loin de l’idéal que sa religion propose, et la religion n’est pas rendue responsable des pirateries de Balthasar Cossa.

Des Poésies barbares à Qaïn s’étend une période de sept années environ pendant laquelle le christianisme n’est pris pour sujet d’aucun poème, bien plus, où la religion en général n’apparaît presque pas[1]. C’est seulement à partir de 1869 que le christianisme rentre en scène. Cette fois l’hostilité est

  1. Sauf dans la Prière védique, parue en 1866 dans le Parnasse. Cette époque, qui a une couleur toute particulière, mériterait d’être étudiée à part : c’est celle du Leconte de Lisle légendaire, l’impassible, l’artiste pur, le chef d’école cuirassé et