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l’idéal n’ennoblit plus et sur qui la mort plane ; la divinité s’est retirée de l’atmosphère ambiante et le laisse en face d’une nature inerte et sans âme, avec laquelle tout lien est tranché, qui n’entend plus sa voix et qui ne lui parle plus.


La nature divine est morte sans retour.


La génération en qui cette destruction s’est accomplie est vouée à la mort ; mais la perspective qu’elle voit s’ouvrir pour les générations qui la suivront est telle que la mort est presque douce en comparaison :


Pareils aux pins ployés par le mal qui les ronge,
Tristes dès le berceau, sans joie et sans vigueur,
Vos enfants grandiront et vivront comme en songe,
Le glaive du désir enfoncé dans le cœur.
Pleins d’ennuis au récit des choses disparues,
D’un œil morne ils verront, sans plaisir ni regrets,
Par la hache et le feu, sous le soc des charrues,
Tomber la majesté de leurs vieilles forêts.
Ils auront froid et faim sur la terre glacée ;
Ils gémiront d’errer dans les brouillards du Nord ;
Et la volupté même, en leur veine épuisée,
Au lieu d’un sang nouveau fera courir la mort.


Telle est la naissance du christianisme, qui est la religion sortie de la vieillesse, de la fatigue et de la