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du divin, va se relâchant[1], jusqu’au jour où les peuples ne veulent plus des « vieux rêves » ni des « vains labeurs », où ils trahissent leurs Dieux et « outragent leur nom »[2]. Ils continuent un temps à vivre joyeux comme ils ont vécu aux beaux jours du paganisme ; dans le Runoïa, on les voit qui rient, chantent et boivent ; ils se désintéressent du sort de leurs Dieux, et si un Dieu plus tort les menace, ils se disent : « Qu’ils meurent, s’il le faut ; »


La querelle des Dieux est pour nous sans danger.


Mais ils ne tardent pas à s’apercevoir de tout ce qu’ils ont perdu. Un jour vient où l’homme, jetant les yeux sur la vie et le monde, n’y voit plus rien des mirages qui l’éblouissaient jadis, et le fond qu’ils avaient caché lui apparaît en sa vérité :


Et l’homme, couronné des fleurs de son ivresse,
Poussera tout à coup un sanglot de détresse ;
Dans sa fête éclatante un éclair aura lui ;
La mort et le néant passeront devant lui.


Le dégoût le saisit au milieu des jouissances que

  1. L’Anathème, début.
  2. Ces citations, ainsi que les suivantes, sont empruntées au Runoïa. On peut en rapprocher le sonnet Aux modernes [Poèmes barbares, p. 356], aux « hommes, tueurs de Dieux » :
    Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein, etc.