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Ce symbole vivant, harmonieux ouvrage
Marqué de leur génie et fait à leur image,
Vénérable à jamais, et qu’ils n’ont enfanté
Que pour s’épanouir dans l’ordre et la clarté !


Mais les Dieux grecs ne sont pas les seuls qui n’aient « pas menti ». Ménard, dans son panthéon, admettait tous les types divins, « régnant sans ombrage dans des cieux différents »[1]. Leconte de Lisle à son tour étend l’idée au delà des religions polythéistes, si bien que le poème où elle prend corps le plus magnifiquement est un poème sur le Christ, le Dieu que lui-même il a adoré et renié : vrai coup du destin, revanche de sa croyance d’autrefois sur toutes les fantaisies païennes. Jusque-là, il n’a parlé que parla bouche de ses héros ; ici, c’est lui-même qui prend la parole et qui réunit les pensées éparses ailleurs, en y ajoutant toute l’émotion personnelle dont il est capable en face des choses religieuses.


Pâle crucifié, tu n’étais pas un Dieu,


disent les modernes au Christ ; ils se trompent ; le Christ non seulement l’était, mais il l’est et le sera éternellement[2] :

  1. Préface des Poèmes, p. XX.
  2. Le Nazaréen [Poèmes barbares, p. 304]. Il faut en rapprocher les quatre dernières strophes des derniers vers du Runoïa, à partir de « Tu mourras à ton tour ». Le Nazaréen est comme une réponse. Le Runoïa est de 1854, le Nazaréen