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chez Leconte de Lisle du domaine de la poésie[1] : toujours est-il qu’en ce sens comme en plusieurs autres la poésie de Leconte de Lisle semble avoir plus agi que la philosophie de Ménard.

Ménard rappelle en cent endroits que si les Dieux sont des causes et des principes, ils le sont avant tout, au point de vue humain, de la vie nationale et sociale et de toute civilisation : la civilisation d’un peuple est « la conséquence naturelle de ces principes créateurs qui sont ses Dieux nationaux[2] ». Tout ce que la Grèce a produit, elle le doit à son génie sans doute, mais aussi à ses Dieux[3]. Et enfin, son mot décisif, et qu’il ne se lassera pas de répéter, c’est : « Le réel est le miroir de l’idéal[4]. » C’est sous cette forme surtout que la pensée de Ménard prend toute sa valeur dans les Poèmes antiques et barbares. Leconte de Lisle, que l’idée perpétuellement gardée devant les yeux de l’illusion divine fatigue et attriste, prend plaisir à plonger par l’imagination dans un monde où ce n’est plus la religion qui est le pkle reflet de la pensée d’un peuple, mais

  1. Ménard lui-même ne songe pas à faire passer Leconte de Lisle pour un polythéiste : « Je suis polythéiste et chrétien, lui, il est panthéiste et buddhiste. » [Critique philosophique, 30 avril 1887].
  2. Préface du Polythéisme hellénique, p. X.
  3. Ibid, p. XIX.
  4. Ibid., p. II.