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C’est que les Dieux sont quelque chose de plus que l’« expression idéale » de nos « rêves » et de nos « espérances », c’est-à-dire que quelque chose d’entièrement subjectif ; et à plus forte raison quelque chose de plus que de simples aspects de la nature : leurs formes visibles, fournies par la nature, sont périssables, et pour qu’elles meurent, il suffit que les hommes ne voient plus la nature comme autrefois ; mais ces formes ne sont qu’un vêtement[1], et quand on a éliminé tout l’élément subjectif, rejeté l’enveloppe matérielle, il reste une réalité, un « germe mystérieux » par quoi les religions sont vraies d’une vérité éternelle. C’est ce qu’Uheldéda exprime par ce nom énigmatique de « Vertus antiques du monde », et Hypatie, avec un peu plus de précision peut-être, par celui de « Forces de l’univers, Vertus intérieures »[2]. De telles idées étonnent chez Leconte de Lisle. On ne peut pas les mettre sur le compte des croyants qu’il met en scène, puisqu’elles se retrouvent, toutes sem-

  1. Il y a même dans Hypatie et Cyrille, pp. 286 et 287, quelques mots dédaigneux sur les Dieux,
                                  vêtus de formes vaines,
    Adorés du vulgaire et dignes de mépris,

    qui dépassent certainement la pensée de Leconte de Lisle : c’est le point de vue des philosophes grecs qui sont les maîtres d’Hypatie.
  2. Poèmes antiques, p. 287. Et p. 281 : « Je ne vous maudis pas, ô Forces et Vertus ».