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                                   les temps sont révolus.
Vierge, et le monde impur ne nous reverra plus.


Uheldéda, leur prêtresse, doit bien reconnaître leur « ruine » ; mais qu’ils ne soient plus, c’est ce qu’elle n’admettra jamais : « Vivants ou morts, nos jeux vous reverront, ô Maîtres ! »[1]. La même chose, mais avec un certain déploiement d’idées philosophiques, est exprimée par Hypatie défendant sa religion contre Cyrille[2]. Ses Dieux sont « en poussière », Hypatie ne peut pas le nier[3], et cependant tous les efforts des chrétiens ne pourront rien contre leur immortalité ; ils se sont tus, mais ils vivent toujours[4]. « Pouvons-nous pleurer la mort de nos dieux, disait Ménard, et affirmer notre existence, nous, formes fugitives, incarnations passagères de leur éternelle pensée ?…[5] Les dieux ne peuvent mourir[6]. »

  1. Ibid, p. 127, et toute la page.
  2. Hypatie et Cyrille et le Massacre de Mona sont d’une même époque ; le premier des deux poèmes paraît en 1858, le second en 1860, dans la Revue contemporaine. mais d’après la préface des Poèmes et Poésies et d après quelques allusions de la correspondance du Flaubert (t. II, p. 287 et p. 313), les études en vue d’un poème celtique étaient commencées dès 1853.
  3. « Vos pieuses poussières », dit-elle. [Poèmes antiques, p. 287.]
  4. « Vous qui vivez toujours, mais qui vous êtes tus » [ibid., p. 281].
  5. Ménard, préface des Poèmes, p. XXV.
  6. Ibid., p. XXVII.