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croyant prend ce mot, il ne le croira pas ; mais, depuis le commencement des temps, y a-t-il quelque chose qui ait existé ainsi ? Les Dieux sont des illusions ? certainement, mais les hommes aussi sont des illusions. La Mâyâ est la source « de ce qui est et de ce qui n’est pas » ; devant le néant universel, seul vrai, ce que nous appelons illusion et ce que nous appelons réalité est également irréel ; la matière que je touche n’a pas plus de réalité que la divinité de mes songes, ce jaguar qui déchire ce bœuf est un fantôme tout aussi bien qu’Indra dans ses nuées ; tout est sur le même plan, hommes, bètes et Dieux roulent pêle-mêle « dans le torrent des jours ».


Ô vieille Illusion, la première des causes !…
Hommes, bêtes et Dieux et monde illimité,
Tout cela jaillit, meurt de tes métamorphoses[1].


  1. Le Secret de la Vie. [Poèmes tragiques, p. 152.] Les textes de ce genre sont innombrables. Bhagavat :
    Toi, la source éternelle et de ce qui n’est pas
    Et des choses qui sont…
    Mâyâ ! qui dans ton sein invisible et béant,
    Contiens l’homme et les Dieux, la vie et le néant.

    Le Corbeau :
    Hommes et Dieux roulaient dans le torrent des jours.

    [et toute la tirade des pages 273 et 274 des Poèmes barbares].

    Sotvet Seclum :
    Tout se taira, dieux, rois forçats et foules viles.

    La Vision de Brahma :
    Indra roula sa foudre au flanc des précipices,
    La mer jusques aux cieux multiplia ses bonds.

    Hymnes orphiques, (Parfum de Pan) en parlant de l’univers