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est grande à cause de l’idée exprimée. La nature que j’ai connue jadis, dit le poète, est restée semblable à elle-même ; mais ces montagnes, cette mer, ces bois, tout cela, jadis, c’étaient des « formes de l’idéal » ; maintenant l’idéal n’y est plus, ce n’est qu’un spectacle mort[1]. C’est cela que Leconte de Lisle déplore, et c’est ce lien rompu entre la terre et le ciel que son imagiuation se plaît à renouer :


Je m’étais assis sur la cime antique
Et la vierge neige, en face des Dieux…
La terre exhalait le divin cantique
Que n’écoute plus le siècle oublieux,
Et la chaîne d’or du Zeus homérique
D’anneaux en anneaux l’unissait aux cieux[2].


Et ce qu’il regrette, ce vers quoi il s’élance, ce n’est jamais sa foi chrétienne d’autrefois, c’est cet idéal païen :


… Nul n’écartera plus vers les couchants mystiques
La pourpre suspendue au devant de l’autel,
Et n’entendra passer dans les vents prophétiques
Les premiers entretiens de la Terre et du Ciel[3].

Îles ! séjour des Dieux ! Hellas, mère sacrée !


  1. Poèmes barbares, p. 202.
  2. Poèmes antiques, p. 274.
  3. Dies Iræ.