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sentir aimé par la « grande mère », affectueuse et caressante. Qu’on se reporte à la Prière védique pour les morts[1] :


Va, pars ! Suis le chemin antique des aïeux.
Ouvre sa tombe heureuse et qu’il s’endorme en elle,
Ô Terre du repos, douce aux hommes pieux !
Revèts-le de silence, ô Terre maternelle,
Et mets le long baiser de l’ombre sur ses yeux.


Aux premiers temps de sa poésie antique, Leconte de Lisle s’était un instant arrêté à l’idée, pen féconde, de la Nature faite déesse, soit qu’il la chante sous le nom de Cybèle, soit qu’il se contente de la personnifier, en lui laissant son nom de Nature[2]. Ce n’est pas qu’il n’en ait tiré quelques beaux vers, comme cette invocation de Niobé :

  1. Poèmes antiques, p. 4.
  2. Kybèle [Poèmes antiques, p. 125] ; Niobé [ibid., surtout p. 147] ; Khiron en plusieurs endroits, aussi Glaucé. Même sa Vénus n’est qu’une réplique de la Déesse universelle ; quand il dit à la Vénus de Milo [ibid., p. 135] : « Tu n’es pas Aphrodite, tu n’es pas Astarlé », etc., ce n’est pas pour distinguer tel tpe mythologique de tel autre type voisin, c’est pour les réunir tous dans une synthèse intégrale (expression du texte de i846) qui contient et Aphrodite et Astarté et d’autres encore. Même le texte actuel, avec ces deux vers :
    Ton cortège est formé d’étoiles cadencées,
    Et les globes en chœur s’enchaînent sur tes pas,

    rappelle tout à fait quelques vers de Kybèle (fin de l’antistrophe II).