Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


                                                  semblables
À ces amas de blocs athlétiques et lourds,
Immobiles depuis l’origine des jours,
Qui regardent, penchés sur les abîmes vagues.
À l’assaut des grands caps monter les hautes vagues.


Comparer les Dieux à des blocs serait étrange ; mais c’est que la pensée n’est pas loin que ces blocs qui « regardent » la mer, ce sont ces mêmes Dieux que l’imagination des primitifs voyait tout à l’heure dans les nuages et que maintenant elle voit dans les rochers de la côte.

Enfin, l’orage cesse, les nuages se déchirent, l’île, éclairée par la lune, « monte hors des ombres » ; les hallucinations ne sont plus possibles ; qu’arrivet-il ?


Et l’innombrable essaim des Dieux s’évanouit
Dans le rayonnement splendide de la nuit.


Voilà pour les savants et les sceptiques ; c’est le trait le plus décisif, gardé pour la fin. Mais le poète, précisément, ne veut pas que le sceptique ait le dernier mot. Uheldéda, la prêtresse, ne vient-elle pas de saluer pour la dernière fois les Dieux anciens ? le persécuteur chrétien approche et Gwidonn lui-même a déclaré solennellement que le lien entre eux et le monde est brisé :