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son vers, il insinuera l’explication naturaliste à l’adresse du lecteur moderne, qui assiste ainsi à la genèse des Dieux. Quand ils approchent, c’est d’abord un chaos ; ils viennent « à travers les nuées, » « tels que des tourbillons pressés, » « du fond de la nuit » :


Ainsi les Maîtres, fils de Math, le très puissant,
Volaient, impétueux essaims, épaississant
L’ombre aveugle, et pareils à ces millions d’ailes
Qu’aux soleils printaniers meuvent les hirondelles.


Le poète s’applique encore à augmenter la confusion par sa comparaison ; dans cette « ombre aveugle » on ne voit rien, sinon un vague remuement ; ils viennent « par nuages » : est-ce une métaphore ou ne sont-ce pas véritablement les nuages qui s’amoncellent ? Mais enfin quelque chose apparaît :


Les uns, tordant leurs bras noueux comme des fouets,
Ceux-ci contre leur sein courbant leurs fronts muets,
Et d’autres exhalant des plaintes étouffées.
Innombrables, les Dieux mâles avec les Fées,
Ils venaient, ils venaient par nuages s’asseoir
Sur les sommets aigus et sur le sable noir…


Ils ont un corps, des bras, des fronts, il y a parmi eux des Dieux et des Déesses ; et cependant, il n’y a pas un trait qui, à notre point de vue, ne puisse s’expliquer par l’hallucination qui crée ces Dieux du milieu de la nuit, des nuages et du vent ; toujours on est tenté d’expliquer par les nuages et le vent des