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entendue une fois pour toutes et sur laquelle il n’y a pas à revenir, Leconte de Lisle l’a toujours gardée présente à l’esprit comme une vérité vivante, et s’il avait voulu l’oublier, Ménard, qui en avait fait le fond et l’essence de son Polythéisme hellénique, ne le lui aurait pas permis. Ce serait peu dire que de parler d’adoption de l’idée de Ménard par Leconte de Lisle[1]. Une seule fois, dans le Corbeau, il la for-

  1. On peut citer beaucoup de traits propres à montrer l’accord entre la théorie de Ménard et les créations de Leconte de Lisle. On pourrait choisir l’exemple d’Apollon, que Ménard ramène entièrement au caractère solaire et que Leconte de Lisle, à son tour, confond régulièrement avec Hélios. Mais il y a des détails qui rendent la chose bien plus palpable. Dans son Polythéisme hellénique, qui est de 1862, Ménard disait d’Héraklès (p. 73) : « Il est facile de reconnaître en lui une divinité solaire, son nom signifie la gloire de l’air, ses travaux représentent la force bienfaisante du jour ; il a beaucoup de traits communs avec Apollon, et l’Hydre ressemble beaucoup à Pythô », et plus loin, p. 322 : « Le Dieu qui meurt sur le bûcher de l’Œta, c’est le soleil qui disparaît dans les flammes du couchant. » Et le 15 octobre de cette même année 1862 paraissait dans la Revue contemporaine un Hèraklès solaire de Leconte de Lisle, où se retrouvaient et la gloire de l’air, et l’Hydre, et les flammes du bûcher [Poèmes antiques, p. 244]. Quelques mois plus tard, le 31 décembre, suivait le poème d’Ekhidna [aujourd hui Poèmes barbares, p. 42] où pour dire « dès la tombée de la nuit » Leconte de Lisle écrivait :


    Mais dès qu’Hermès volait les flamboyantes vaches
    Du lits d’Hypérion baigné des flots profonds…

    Ces vers cessent d’être énigmatiques pour le lecteur profane dès qu’il a vu, aux pages 41 et 42 du Polythéisme hellénique,