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grâce à laquelle on est tenté, dès qu’il s’agit de ces sortes de questions, de croire que l’opinion de Renan doit être celle de lout homme supérieur : s’y arrêter serait en somme s’arrêter à mi-chemin, et sans avoir pénétré au fond de l’àme du poète.

M. Bourget, lui, a voulu y pénétrer vraiment. « Son genre d’imagination, dit-il, le conduisait véritablement vers les pays du songe religieux et cosmogonique », et la raison en est la suivante : Leconte de Lisle goûte avant tout « les larges conceptions d’ensemble, les vastes formes de la vie collective », et il néglige le particulier, l’individuel. Cela est très exact ; mais comment peut-on conclure de là à son goût pour les symboles religieux ? « Ce qui le frappe dans l’humanité, ce sont les vastes formes de la vie collective, les grands symboles pieux ou métaphysiques ». Comment ? n’y a-t-il donc pas d’autres conceptions générales, d’autres formes de la vie collective que les symboles pieux ou métaphysiques ? mais il y a loin du général au métaphysique et du métaphysique au religieux ; ce dernier saut en particulier est bien périlleux. Combinez tant que vous voudrez des éléments métaphysiques, vous n’en ferez jamais une religion. Il y a, au fond de ce raisonnement, la faute qui consiste à passer insensiblement d’une première notion très indéterminée à une seconde beaucoup plus déterminée, comme si elles étaient équivalentes. La religion est quelque chose de beaucoup