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champs de bataille et pour jeter à bas des empires s’en son emparés et l’ont façonnée entre des mains si brutales qu’il en est sorti un vrai spectre d’extermination à « épouvanter le monde » et à faire désespérer de l’humanité le fondateur lui-même[1], fiers encore d’avoir mis au service de leur puissance diabolique une autorité si sacrée :


Ô Christ ! Et c’est ainsi que, réformant ton rêve,
Connaissant mieux que toi la vile humanité,
Nous avons pris la pourpre et les Clefs et le Glaive,
Et nous t’avons donné le monde épouvanté.

Et tu nous appartiens, Jésus ! Et d’âge en âge,
Sur la terre conquise élargissant tes bras,
Dans l’anathème et dans les clameurs du carnage,
Quand nos Voix s’entendront, c’est Toi qui parleras.[2]


La haine de l’Église, que Leconte de Lisle a conservée de sa première éducation, ne l’avait jamais complètement abandonné. Elle s’était ancrée en lui

    Car le sombre Barbare aux haines violentes Dans l’Eau vive n’a point lavé ses mains sanglantes. Son cœur n’a point changé sous la robe de lin… Maintenant, l’insensé, dans sa fureur austère, Croit venger la victime auguste et volontaire Qui, jusques au tombeau, priant et bénissant, Ne versa que ses pleurs et que son propre sang.

  1. L’Agonie d’un saint. La Bête écarlate.
  2. Les Raisons du Saint-Père.