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mais il s’associe de toute son âme à l’élan qui les poussait hors de la bacchanale romaine vers l’idéal de l’avenir : ce désir ardent de voir un monde religieux nouveau s’ouvrir devant nous et de s’y précipiter, il n’oublie pas que lui-même il l’a ressenti et que lui aussi, li a crié vers les « Dieux inconnus ». S’il n’avait pu être Hypatie, la dernière en qui avait brillé un rayon de la lumière ancienne, il aurait voulu être Saint Paul et avoir senti s’élaborer en soi le monde qui allait arriver à la vie :


Dans le pressentiment des forces inconnues,
Déjà plein de Celui qui ne se montrait pas,
Paul, tu rencontrais au chemin de Damas
L’éclair inespéré qui jaillissait des nues !
Notre nuit est plus noire et le jour est plus loin[1].


De même qu’ici il a une parole d’enthousiasme pour les fondateurs, de même il en trouvera de délicates et d’affectueuses pour ceux qui allaient porter la foi aux barbares, comme ce saint Patrice du Barde de Temrah, qui « ouvre un ciel d’azur aux enfants dans leurs langes », qui « console et bénit » et fait céder la violence guerrière des vieux clans païens devant un idéal d’amour :


Écoute ! de la terre aux cieux entends frémir
L’hymne d’amour plus haut que la clameur des haines[2].


  1. L’Anathème.
  2. Poèmes barbares, p. 68.