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trouvera personne qui ne le rapproche de Renan ; comme Renan, il pourrait parler de sa « dissidence uniquement scientifique » d’avec les croyants, et ajouter comme lui : « par le cœur, nous sommes avec eux[1] ». Les «pleureurs des cultes agonisants » ne sont pas si ridicules ; il les comprend ; bien plus, il aimera à se reporter précisément à ses moments d’agonie, et la sympathie mélancolique, la piété envers les religions qui meurent sera une de ces inspirations favorites. Il trouvera une beauté dans le dévouement de ceux qui restent fidèles au songe, non plus « inutile » comme il disait, mais au « songe heureux » de leur jeunesse[2]. Hypatie et Cyrille et le Massacre de Mona développent ce sentiment ; le Barde de Temrah en est l’expression héroïque, mais la plus illustre, c’est peut-être encore la plus ancienne : Hypatie[3].

  1. Renan. Introduction des Apôtres, p. LXIII. Il faut remarquer ici que dans cette voie commune c’est le poète qui a précédé le philosophe : au moment où Leconte de Lisle écrivait la Recherche de Dieu, Renan ne faisait que se détacher du christianisme. S’il y a eu une action de Renan sur Leconte de Lisle, ce n’est pas là qu’il faut la chercher.
  2. Ménard disait de son côté : « Rien n’est plus respectable que cette foi obstinée à des croyances mortes, et les partisans des idées nouvelles peuvent s’incliner sans crainte devant ces derniers défenseurs du passé. » [Polythéisme hellénique, Charpentier. in-12o, p. 101, en parlant de Proclus.]
  3. Poèmes antiques, p. 65 ; voy. les quatre premières strophes. Le vers : « fidèle au songe heureux… » et cet autre :