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pour son souper. Mais, ce soir-là, à peine eut-il terminé l’opération consistant à nouer solidement une ficelle autour du morceau de porc, à l’enrouler autour de la clef de sa porte suivant les règles, à la passer à travers l’anneau et à rattacher fermement au crochet de la cheminée, qu’il se souvint qu’une pelote de cordonnet très fin lui était indispensable pour mettre en train une nouvelle pièce sur son métier, le lendemain de bonne heure. Cela lui était sorti de la mémoire, parce qu’en revenant de chez M. Lammeter il n’avait pas eu à traverser le village ; et quant à perdre du temps en faisant des commissions le matin, il n’y fallait pas penser. Il y avait un vilain brouillard pour sortir, mais il se trouvait des choses que Silas préférait à ses agréments. Il tira donc son morceau de porc à l’extrémité du crochet ; puis, s’armant de sa lanterne et de son vieux sac, il s’en alla faire une course qui, par un temps ordinaire, eût demandé vingt minutes. Il n’aurait pas pu fermer sa porte à clef sans défaire sa ficelle bien nouée, et retarder ainsi son souper : la chose ne valait pas ce sacrifice. Quel voleur trouverait le chemin des Carrières par une telle nuit, et pourquoi viendrait-il juste ce soir-là, alors qu’il n’était jamais venu pendant les quinze années précédentes ? Ces questions ne se présentaient pas distinctement à l’esprit de Silas. Elles ne servent qu’à indiquer combien il se rendait vaguement compte des raisons qu’il avait d’être exempt d’inquiétude.