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laisser à Godfrey, après que celui-ci aurait paré à ses besoins les plus pressants, un bel excédent qui le mettrait à même d’obliger son frère dévoué. Aussi, fut-il tenté de tourner bride du côté de la maison. Godfrey serait assez disposé à accepter cette idée. Il adopterait avidement un plan qui, peut-être, lui éviterait de se séparer d’Éclair. Mais quand la réflexion de Dunstan en fut arrivée à ce point, l’envie de continuer sa route se fortifia et prévalut. Il ne voulait pas procurer cette satisfaction à Godfrey ; il préférait que maître Godfrey fût tourmenté. De plus, Dunstan se réjouissait à la pensée si importante à ses yeux, d’avoir un cheval à vendre, et, en outre, l’occasion de conclure un marché, de faire le fanfaron, et, probablement, d’attraper quelqu’un. Il pourrait goûter tout le plaisir qui résulterait de la vente du cheval de son frère, sans être privé de l’autre plaisir d’amener Godfrey à emprunter l’argent de Marner. Il continua donc à chevaucher vers le gîte.

Bryce et Keating y étaient, comme Dunstan en était sûr, — il avait tant de chance !

« Tiens, dit Bryce, qui depuis longtemps convoitait Éclair, vous montez le cheval de votre frère aujourd’hui ; à quel propos ?

— Oh, j’ai fait un échange avec lui, » dit Dunstan, dont la joie de mentir, grandement indépendante de l’idée d’utilité, n’allait pas se trouver diminuée par la probabilité que son auditeur ne le croirait pas. « Éclair est à moi maintenant.